Les services de l'Etat recensent désormais 16 attaques, 31 animaux tués et 33 blessés. Le loup est accusé notamment d'avoir fait de nouveaux dégâts au Bastit. Une quinzaine d'éleveurs sont
concernés... et inquiets. Des lieutenants de louveterie se relaient toutes les nuits pour surveiller leurs pâturages.
Depuis un mois, le loup hante les causses du Lot, de Coeur-de-Causse à Reilhac en passant par Lunegarde. Au Bastit, les éleveurs accusent le coup. Trois attaques en une semaine, c'en est
trop. " Ça a commencé il y a un mois, les brebis étaient serrées à la gorge, au début on a pensé que c'était des chiens errants", commence par raconter Guillaume Bouyssou, éleveur de brebis
au Gaec de Cance Bas. Il a, avec ses parents, 1500 brebis sur près de 500 hectares. Ses voisins agriculteurs ont découvert eux aussi, au petit matin, leurs brebis avec des hématomes et
des traces de sang au cou. L'un d'entre eux, Cyril Garrigues a alors installé une dizaine de caméras de vidéosurveillance autour de sa ferme du Tartayrou. Et quelques jours plus tard, sur
l'écran, en noir et blanc, le loup apparaît. L'office français de biodiversité analyse ses images et confirme : il y a bien un loup dans le Lot.
Le département déclenche le plan loup. Le 22 juin, sept attaques sont recensées, 22 animaux retrouvés morts et 20 autres blessés. Mais depuis, le loup a encore frappé. La préfecture du Lot
compte désormais 16 attaques, soit sept de plus en une semaine. 31 animaux ont été tués, 33 sont blessés. Au Bastit, l'animal est accusé d'avoir tué trois brebis dans la nuit de lundi à
mardi. " Mardi matin, on les a découvertes près du bâtiment, avec les mêmes traces à la gorge", commente dépité Guillaume Bouyssou. Déjà deux attaques en un mois sur cette exploitation
familiale. Pour éviter les risques, les éleveurs doivent parquer leurs brebis à l'intérieur. " On les sort un peu le matin puis un peu le soir, mais c'est tout, à une époque où elles sont
censées être tout le temps en plein air, c'est terrible", regrette Cyril Garrigues. Lui a retrouvé dix brebis mortes, après quatre attaques en un mois. Depuis, elles sont enfermées dans son
hangar à brouter ce qu'il reste du fourrage de l'hiver dernier. " Alors qu'elles sont censées pâturer l'herbe, on tape dans les stocks de foin de l'hiver, à ce rythme, il ne nous restera
bientôt plus rien", confie-t-il. "Toutes les brebis ne rentrent pas à l'intérieur, celles qui sont à l'abri doivent se serrer, ce n'est pas l'idéal", précise-t-il.
Les lieutenants de louveterie surveillent de 23 heures à 6 heures
Surveiller ses 1500 brebis dispersées en 15 troupeaux toutes les nuits ? Un travail de Titan. " C'est impossible, les zones du causse sont vallonnées et morcelées, on ne peut pas parcourir
nos 500 hectares tous les soirs", ajoute-t-il. La dernière ronde qu'il effectue depuis la présence du loup : à 23 heures. Quand il rentre chez lui, le cœur serré, deux lieutenants de
louveterie, bénévoles prennent le relais et assurent une ronde de surveillance jusqu'à 2 heures du matin. Là, deux autres lieutenants prennent le relais jusqu'à 6 heures. " Ils ont une
mission de veille et de défense, ils sont habilités à tirer si la bête est dans le périmètre protégé, sinon, ils font du bruit et peuvent effectuer des tirs de défense simplifiés pour
dissuader le loup d'approcher ", explique Jean-Pascal Lebreton, directeur de la Direction départementale des territoires dans le Lot. D'après lui, ces tirs effaroucheurs ont permis d'éviter
récemment une attaque. Une ronde de surveillance, la garantie d'une sécurité pour les éleveurs ? " On ne dort pas pour autant sur nos deux oreilles", répond Didier Bouyssou. Alors que faut-il
faire de plus ? " Une battue ne pourra être organisée qu'en dernier recours, nous allons faire monter crescendo les mesures de sécurité", assure le directeur de la DDT.
En attendant, les éleveurs font face. " On a des bêtes toujours traumatisées par les attaques, certaines brebis ont avorté et d'autres ont accouché plus tôt que prévu à cause de leurs
frayeurs", souligne Cyril Garrigues. Il a soigné lui-même ses brebis blessées. Mais ne compte pas mettre des pansements sur une jambe de bois tout l'été. " Nous, on n'en veut pas
ici, mais qu'ils le capturent et l'emportent ailleurs ne fera que déplacer le problème", reconnaît-il. En attendant, à chaque fois que la nuit tombe, la peur reprend sur le causse.